Un grand moment hier au tribunal d'Auch à l'occasion à d'un procès atypique où la part d'humanisme, qui sied si bien à la justice mais cède souvent au sordide, a pris une dimension tout à fait exceptionnelle. Un personnage très particulier comparaissait pour choque le monde entier, et des faits qui – a priori – auraient pu lui valoir une lourde condamnation : détention, usage et cession de stupéfiants. Mais tout finalement a plaidé pour la mansuétude du tribunal, y compris l'intervention du parquet représenté par Sterenn Hell.
Un parquet attendri. L'homme, âgé de 66 ans, a pu repartir libre condamné à 12 mois de prison dont 8 avec sursis mise à l'épreuve ,et, évidemment, obligations de soins. Il faut dire que le profil du prévenu, le scénario de l'enquête menée à la suite de son interpellation, et enfin celui de sa courte incarcération ont interloqué l'ensemble du prétoire. «Je suis bien embêtée, et je le dis comme je le ressens, n'avait pas hésité à concéder la substitut du procureur. Il y a un dossier et sa perquisition extraordinaire. On se dit alors dossier de stups extraordinaire. Puis, il y a l'honnêteté de cet homme presque sympathique, sa bonne foi effarante, son casier vierge...»
Le dossier : mercredi 9 octobre, à 11 heures, les gendarmes procèdent à des contrôles sur la RD 34, dans le village de Riguepeu, à 30 km d'Auch. Ils interceptent un conducteur qui réside à Saint-Araille. L'odeur parle dès que la vitre s'abaisse. Le conducteur reconnaît être abonné au shit et donne spontanément les 7,32 gr qu'il a sur lui. Le dépistage salivaire évoque, en plus du cannabis, une consommation d'opiacés et amphétamines, reconnue également. Une perquisition au domicile est décidée. Et là, c'est la caverne d'Ali BaBa...
"..."
Le sexagénaire va passer près de 48 heures de garde à vue, avant d'être déféré au parquet vendredi matin en comparution immédiate au tribunal correctionnel d'Auch. Mais lors de sa rencontre avec son avocat, Me Roujou de Boubée, il est pris d'un violent malaise dans sa cellule, peut-être lié à une réaction au manque.
M.C.
Une sympathique honnêteté. Tous les mystères du lieu sont livrés sans sésame par le propriétaire : 56 branches de cannabis séchant au plafond ; 8 pieds de 3 m encore plantés dans le jardin ; 942 gr
de graines de pavot ; 15 gr d'opium «fait maison»... et une somme de 2 270 € qui «provient de la vente d'une partie de la récolte de l'an passé à trois clients, des amis tous âgés de plus de 50 ans. Vente pour améliorer ma retraite de 850 €.», détaille en toute tranquillité le sexagénaire, travailleur social à la retraite et qui vit là seul avec son chien. "..."
L'électrochoc : L'homme part en incarcération. Or, malgré ses 50 ans de toxicomanie et ses 35 ans de «cultivateur» spécialisé en pavot et cannabis, le sexagénaire n'a jamais connu la prison. «Le choc!» dit-il en décrivant son séjour devant le tribunal:«A dans une cellule avec deux lits. J'ai dormi par terre sur un matelas de 1,60 m ; mes pieds dépassaient. J'avais la tête coincée entre un frigo et la cuvette du WC. Un codétenu avait pris 24 ans de taule ; l'autre me regardait dormir toute la nuit. Autant vous dire que je planquais les fourchettes !». Et le sexagénaire addict d'annoncer larmes aux yeux : «J'ai 66 ans. 50 ans que je consomme. Aujourd'hui, je me retourne : mon fils est là. J'ai mon petit-fils. Il me tarde aussi de retrouver mon chien. J'ai décidé de tout arrêter... tout définitivement. Je me suis suffisamment fait mal à mon corps avec mes sevrages consécutifs.» Tout le tribunal lui a accordé la chance de sa vie !
Serges Boulbes
https://www.ladepeche.fr/2019/10/12/le-papy-dealer-tombe-au-controle,8474788.php
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