Impatients, Caroline, Philippe et Théaud entrent dans le tribunal correctionnel d’Auch pour l’annonce du délibéré de leur procès. Le 13 octobre dernier, ils comparaissaient, avec Freddy et Valérie, pour vol en réunion et complicité de vol en réunion. Ils avaient, entre juin et juillet 2019, décroché le portrait du Président Emmanuel Macron des mairies de Barran, Saint-Jean-le-Comtal et Castelnau-Barbarens, dans le cadre d’une action du groupe Action Non Violent – Cop 21.
Lors de leur procès, leurs avocats avaient soulevé trois points pour leur défense: le défaut de vol, l’état de nécessité et la liberté d’expression. Et c’est sur ce dernier point que le président du tribunal a décidé de relaxer les cinq prévenus : «L’infraction de vol est caractérisée, puisque les portraits ont été pris frauduleusement. Concernant l’état de nécessité, pour qu’il soit reconnu, il faut que le comportement délictueux soit l’unique moyen». Or, le président souligne que d’autres voies de recours sont possibles dans la lutte contre le réchauffement climatique, dont des voies juridiques.
"L'exercice de la liberté d'expression neutralise l'infraction de vol" ont considéré les juges du tribunal correctionnel d'Auch
C’est donc la liberté d’expression qu’a reconnue le tribunal dans cette affaire. « Toutes les conditions étaient requises : il s’agit d’une question d’intérêt général, le débat est sérieux puisque les cadres ont été décrochés dans le but de les présenter au G7, le comportement délictueux n’a pas été précédé de violences ou de dégradations et la sanction pénale était disproportionnée face aux actes». En conclusion, «l’exercice de la liberté d’expression neutralise l’infraction de vol».
Enfin, la constitution de partie civile de la mairie de Barran n’a pas été retenue, puisqu’aucune délégation municipale n’a été fournie au tribunal.
À leur sortie, les trois relaxés sont «soulagés et surpris », assure Théaud. « Nous sommes très heureux de cette relaxe, elle légitime notre action et donne du poids à notre message, indique Caroline, une des militantes relaxées. Exiger de nos dirigeants qu’ils respectent leurs engagements et qu’ils protègent la population face au péril climatique, cela ne devrait conduire personne au tribunal ! Au contraire, c'est un acte citoyen ; chacun de nous, quelle que soit sa position dans la société, a le pouvoir d’agir pour le climat et la justice sociale. »
Dans un communiqué, l'association Alternatiba Auch souligne le caractère historique de la décision rendue par le tribunal correctionnel d'Auch. « Pour la première fois lors d’un procès pour décrochage de portrait présidentiel, le tribunal a retenu la liberté d’expression comme motif légitime de relaxe des prévenus. Le 13 octobre, la défense avait fait citer le climatologue du GIEC Christophe Cassou ainsi que l’économiste Geneviève Azam. Les deux témoins avaient été longuement interrogés sur la réalité de l’urgence climatique, et sur la dramatique insuffisance des mesures politiques actuellement prises, alors que les engagements des Accords de Paris sont inscrits dans la loi. Cette relaxe arrive un an après une première relaxe retentissante à Lyon, au titre de l'état de nécessité. À Auch, pour la première fois dans la longue série de procès pour décrochage de portrait, le tribunal a retenu la liberté d’expression. Il a estimé que l’urgence climatique est un débat d’intérêt général, et que l’action des Décrocheurs contribue pleinement à ce débat. »
Ce mardi après-midi, le parquet d'Auch nous a communiqué qu'il allait faire appel du jugement prononcé.